Le Conseil de l'ordre des médecins est-il vraiment en ordre de marche ?
Il est accusé par la Cour des comptes d'un grand nombre de dérives, selon un article du Canard enchaîné du mercredi 27 février.
Que reprochent les magistrats de la rue-Cambon à l'Ordre ?
Certains médecins ayant été poursuivis en justice pour attouchements n'ont jamais fait l'objet de poursuites disciplinaires. Idem pour les relations médecin-industrie pourtant cadrées par la loi Bertrand de 2011 : aucune convocation ni poursuite n'a été engagée malgré un logiciel de 900 000 euros enregistrant les conventions liant les médecins.
Ces derniers ont pourtant encaissé en 2017 200 millions d'euros et 1,5 million de contrats. Les vérifications n'ont pas été établies non plus pour les voyages de médecins lors de congrès. Enfin, la gestion financière de l'Ordre est gravement mise en cause, avec des remboursements s'élevant à 2,6 millions d'euros, en plus de leurs indemnités de 2,2 millions d'euros.
D'autres manquements financiers sont pointés avec un dépassement de presque 4 millions d'euros perçu par l'aménageur du nouveau siège en 2016-2018 ainsi qu’un inventaire défaillant du matériel informatique (près de 300 000 euros de préjudice).
Le Conseil de l'ordre a répondu au Palmipède sur plusieurs points. Il justifie la hausse des indemnités de ses membres, et invoque le fait qu'il y a eu deux fois plus de réunions. Le surcoût du nouveau siège serait dû au désamiantage.
Côté relations médecins/industrie, les décrets réglementaires fixant les montants maximaux des contrats entre industrie et praticiens ne seraient toujours pas sortis.
La CSMF, un des syndicats de médecins libéraux, n'a pas non plus tardé à réagir. Elle appelle à défendre l'honneur et la probité de la profession. Le syndicat « espère que le rapport définitif ne confirmera pas ces allégations ».
Quant à la Cour des comptes, elle déplore la publication par Le Canard enchaîné d'un article évoquant des observations provisoires sur le Conseil national de l'Ordre des médecins. La suite du feuilleton lors de la parution du rapport définitif.
Source : Decision-sante.com
Le Canard Enchaîné a dévoilé mercredi un rapport provisoire de la Cour des comptes qui étrille le Conseil national de l'Ordre des médecins. Celui-ci «conteste avec force» certains points relevés par l'hebdomadaire.
Abus sexuels non sanctionnés, séjours grandioses financés par des laboratoires, «comptabilité insincère», «rémunérations déguisées»... Dans son édition de mercredi, Le Canard enchaîné dévoile un rapport provisoire de la Cour des comptes qui dénonce une série de dérapages de la part de l'Ordre des médecins.
Dans un communiqué, l'Ordre, qui fait part de son «vif étonnement» et affirme ne pas avoir encore eu connaissance de ce rapport, dénonce «avec force un certain nombre d'informations» relayées par l'hebdomadaire satirique et se défend point par point.
De son côté, la Cour des comptes déplore la publication d'«observations provisoires», «de nature confidentielle», qui «porte atteinte au bon déroulement des procédures encadrant la phase contradictoire des travaux de la Cour, qui n'est pas achevée» et «nuit à la bonne information des citoyens».
Plaintes pour abus sexuel «souvent sans effet»
D'après Le Canard enchaîné, les Sages de la rue Cambon ont identifié «de nombreux cas» de médecins n'ayant fait l'objet d' «aucune poursuite disciplinaire» malgré des «signalements» pour attouchements, «plaintes» pour abus sexuel, voire condamnations «au pénal».
Sur ce point, l'Ordre rappelle être «pleinement engagé contre le harcèlement et les abus sexuels dans le milieu médical». Il affirme que dès qu'il a connaissance de faits «suffisamment précis et circonstanciés», «il les transmet à la juridiction disciplinaire qui juge en toute indépendance».
Il déplore toutefois que les circulaires interministérielles «demandant aux procureurs de la République» de l'informer «de plaintes pénales déposées à l'encontre de médecins (...) restent trop souvent sans effet». L'Ordre reconnaît aussi que tous ses échelons «doivent améliorer leur accueil des personnes qui se disent victimes, l'écoute qui leur est due, et l'action devant les chambres disciplinaires».
Des travaux loin du devis initial
Côté finances, la Cour dénonce une comptabilité «insincère», des «approximations, manques, erreurs» et «écritures délibérément faussées». Par exemple, l'aménageur du nouveau siège de l'Ordre, dans le XVIIe arrondissement de Paris, «a perçu 8,8 millions» d'euros entre 2016 et 2018, loin du devis initial, de 4,9 millions.
Pour l'Ordre des médecins, ce décalage s'explique notamment «par les travaux d'aménagement, qui ont été plus importants que prévu» à cause d'une «expertise initiale en matière d'amiante» qui a été «remise en cause au fur et à mesure de l'avancée du chantier», auxquels se sont ajoutés «des coûts» supplémentaires concernant «les installations électriques» ou encore «la mise aux normes des extractions de fumée».
D'après journal satirique, la Cour des comptes pointe aussi une hausse de 55% des «petits achats» informatiques (tablettes, portables, ordinateurs) entre 2011 et 2016, et l'absence d'environ 150 de ces appareils. Un préjudice chiffré à près de 300.000 euros selon le Canard. L'Ordre des médecins répond que les appels d'offres pour les achats audiovisuels et informatiques seront obligatoires à compter du 1er janvier 2020 et qu'il se «conformera bien sûr à cette obligation quand elle sera applicable».
Liens opaques entre médecins et laboratoires
Le rapport pointe aussi des «rémunérations déguisées» des membres du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui auraient atteint, selon Le Canard enchaîné, jusqu'à 90.000 euros par an pour certains membres du Conseil.
De son côté, le Conseil national affirme qu'il «reconnaît et revendique l'augmentation mécanique du montant des indemnités», signe «de l'activité renforcée du Conseil». Il affirme en outre avoir pris des mesures «pour rationaliser l'ensemble des processus d'indemnisation et de remboursement des frais», qui ont une «base juridique», affirme l'Ordre, contrairement à ce qu'affirme Le Canard.
Le rapport dénonce aussi un certain laxisme et un manque de transparence en ce qui concerne les liens entre laboratoires pharmaceutiques et médecins.
L'hebdomadaire fait état de séjours aux Bahamas, à l'île Maurice ou Hawaï financés par des laboratoires, «à hauteur de 27.500 euros», qui auraient été approuvés par le Conseil. Pour éviter les conflits d'intérêts, depuis décembre 2011 la loi encadre plus strictement ces relations. Sur ce point, l'Ordre des médecins rappelle avoir «pris clairement position en faveur d'une transparence totale des relations entre les médecins et les industriels». Il déplore qu'à ce jour il ne soit pas permis «d'assurer le contrôle de toutes les déclarations de liens d'intérêt entre le corps médical et l'industrie de la santé», et demande à l'État de publier un décret d'application en ce sens.
Le rapport des Sages dénonce aussi des «pratiques de recrutement» particulièrement avantageuses pour les enfants, nièce, épouse, belle-sœur de membres de l'Ordre des médecins qui ont obtenu des promotions éclair. Sur ce point, le Conseil national ne s'étend pas et rappelle que «les contrats des salariés du Conseil national sont de droit privé et sont conclus conformément à la loi, dans le plus profond respect du droit du travail. «Un audit de gestion managériale interne (...) a souligné la qualité de la gestion des ressources humaines», ajoute le communiqué de l'Ordre des médecins qui assure que «la gestion de l'institution est plus saine aujourd'hui qu'elle ne l'était hier».
Source Le Figaro