L’histoire retiendra l’ironie qui entoure la décision du Conseil d’État d’annuler partiellement le décret instaurant l’infirmier référent, décision prise en pleine négociation entre l’Assurance-maladie et la profession infirmière pour mettre en œuvre le statut… d’infirmier référent.
Le 22 juillet, le Conseil d’État a annoncé que le décret du 27 juin 2024 relatif à la création de ce nouveau statut, issu de la loi Valletoux de 2023, est « annulé ».
Réclamé de longue date par les infirmiers, ce rôle permet aux paramédicaux d'asseoir leur position dans la coordination des soins pour les personnes atteintes d’ALD de plus de 16 ans. À l’instar du système du médecin traitant, l'assuré en ALD peut déclarer le nom de son infirmier référent choisi, avec son accord. Il n’en fallait pas plus pour que l’Ordre des médecins réagisse.
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À l’origine de la saisine du Conseil d’État, le Cnom a en effet demandé l’annulation de ce décret pour « excès de pouvoir », en partant du principe que le Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP) n’a pas été consulté avant publication au Journal officiel du texte réglementaire. Une faille validée par le Conseil d’État, qui a jugé que le Cnom était « fondé à soutenir que, faute de cette consultation préalable, les dispositions attaquées (dans le décret) ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière ».
« Torpille » de la part du Cnom
Le 24 juillet, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) a laissé éclater sa colère. Dénonçant « l’archaïsme » du Cnom « au détriment des patients », l’organisation estime que derrière le vice de procédure ayant fait annuler le décret, on trouve « une manœuvre orchestrée par le Cnom pour torpiller toute avancée vers une réorganisation des soins plus moderne, plus horizontale et centrée sur les besoins des patients ».
La FNI s’agace de ce qu’elle estime être une « offensive d’un autre temps, menée par une institution enfermée dans un corporatisme dogmatique ». Et d’insister : « Le Cnom s’acharne à défendre un modèle hiérarchique dépassé, où seul le médecin aurait le monopole de la coordination, au mépris de la réalité du terrain et de l’évolution des compétences. »
Les infirmiers déplorent également une forme de « complicité » d’une partie du gouvernement, qui a « laissé cette faille juridique se produire ». Lors du dernier salon Infirmier, en mars, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, cardiologue de formation, a rappelé son « engagement total pour cette profession essentielle ». « Nous allons renforcer l’attractivité du métier avec la loi Infirmiers, travailler à la refonte de la formation et à la montée en compétence, à la fidélisation comme à l’évolution des carrières », avait-il twitté.
Demande d’un nouveau décret conforme
À l’unisson, les infirmiers libéraux du Sniil condamnent eux aussi « ces postures conservatrices, paternalistes, contraires à l’esprit de la loi qui a reconnu la place de l’infirmier référent dans le parcours de soins ». Le syndicat, pour qui « la santé en 2025 ne peut plus se penser selon un modèle exclusivement centré sur le médecin », appelle l’État à « prendre ses responsabilités » et « à publier rapidement un nouveau décret conforme ».
Source : Quotidien du Médecin 24/07/2025