"La loi ne peut faire échec à l'accès aux soins". La réserve majeure d'interprétation faite par le Conseil constitutionnel à l'obligation du pass sanitaire concerne son application aux visiteurs ou patients non urgents dans les établissements de santé et maisons de retraite. Les sages ont néanmoins validé le pass sanitaire dans son ensemble, tant que celle-ci ne fait pas "obstacle à l'accès aux soins". Dans sa décision, la haute juridiction constitutionnelle laisse donc sur ce point l'application du pass sanitaire à "l'appréciation des soignants". Ces aménagements devraient concerner notamment les visiteurs des grands malades ou les patients dont l'hospitalisation est programmée.
Ce risque d'exclusion au détriment des patients les plus fragiles inquiétait nombre de soignants, qui s'en étaient publiquement émus les jours derniers, conseil de l'Ordre et Médecins du Monde en tête. Ce jeudi matin encore, la Pr Karine Lacombe expliquait sur France Inter que l'obligation du pass sanitaire pour accéder à l'hôpital "s'apparenterait à un refus de soins". "Nous, soignants, sommes évidemment opposés que l'accès aux soins soit conditionné au pass sanitaire, que l'accès aux soins se fasse en urgence ou pas", estimait la cheffe de service hospitalier des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, se montrant convaincue que "ça ne peut pas être accepté par le Conseil constitutionnel".
L'isolement des malades et la possibilité de rupture d'un CDD retoqués
Pour le reste, le Conseil constitutionnel a validé dans son principe jeudi le pass sanitaire, y compris pour les cafés-restaurants, mesure la plus emblématique mais aussi controversée de la nouvelle loi. Les Sages estiment en effet que le pass sanitaire résulte d'une "conciliation équilibrée" entre libertés publiques et protection de la santé, dans une décision cruciale pour la mise en place prévue lundi de ce dispositif par le gouvernement.
L'isolement obligatoire des personnes contaminées se trouve en revanche retoqué. Les juges constitutionnels estimant que l'isolement obligatoire des malades pour une période de dix jours n'était pas "nécessaire, adapté" ou "proportionné".
Ils recalent également les dispositions concernant la rupture de contrat des salariés en CDD qui ne présenteraient pas le pass si leur activité le requiert, rejetant cette "différence de traitement" avec les CDI, qui ne peuvent être licenciées pour ce motif.
Après ce feu vert global du Conseil constitutionnel, l'extension du pass sanitaire va se mettre en place le 9 août. Les premières mesures rendant ce sésame nécessaire (vaccination totale, test Covid-19 négatif ou certificat de rétablissement) pour accéder aux lieux accueillant au moins 50 personnes (musées, salles de spectacles, établissements sportifs, parcs d'attractions, etc.), sont déjà entrées en vigueur le 21 juillet. Ces règles doivent donc dès lundi s'étendre aux cafés-restaurants, foires et salons, avions, trains et cars longs trajets, ainsi que (sous conditions) aux établissements médicaux.
L'obligation vaccinale des soignants actée
L'obligation vaccinale pour les soignants et d'autres professions en contact avec des publics fragiles a aussi été validée par les Sages qui ont jugé que sa mise en œuvre était bel et bien "progressive". Comme le prévoyait la loi, les soignants ont donc jusqu'au 15 septembre 2021 pour justifier "de l'administration d’au moins une des doses sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19" et jusqu'au 15 octobre pour présenter un schéma vaccinal complet.
À Aix-en-Provence, Véran affiche sa détermination
Olivier Véran était ce jeudi en déplacement au centre hospitalier d'Aix-en-Provence. Occasion pour lui de souligner que "personne ne sera privé de soins en fonction du pass sanitaire". "Jamais nous n'arrêterons de soigner qui ce soit", a insisté le ministre de la Santé lors d'une rencontre avec les soignants, un peu avant la décision du Conseil constitutionnel.
"Nous voulons faire un sanctuaire comme dans les Ehpad (...), que par tous les moyens le virus ne puisse pas rentrer", a poursuivi le ministre, alors que les opposants au pass sanitaire et au vaccin manifestent depuis plusieurs semaines dans toute la France. Jeudi matin, plusieurs dizaines de personnes se sont d'ailleurs rassemblées devant l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) et l'Hôpital Nord de Marseille contre la vaccination obligatoire des personnels hospitaliers à l'appel du syndicat Sud Santé rejoint par la CGT.
Face à la flambée de Covid-19, le plan blanc a été activé en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), ainsi qu'en Occitanie et en Corse, permettant de mobiliser les personnels de santé et d'augmenter le nombre de lits en réanimation. Et le ministre a indiqué au cours de sa visite regarder également "avec inquiétude la situation en Auvergne-Rhône-Alpes".
Source: Quotidien du Médecin 05/08/2021