Source : BUCAREST HEBDO en version intégrale du 19 AU 25 Décembre 2016 n°46
Le médecin Gheorghe Burnei est suspecté d'avoir mené des expérimentations sur des enfants au moyen de dispositifs médicaux confectionnés de façon artisanale, des os de bœuf bouillis et des filtres de char
Investigation du Collège des Médecins après l'achèvement de l'enquête criminelle
- Le Docteur Burnei est reconnu dans le milieu médical pour ses innovations dans la chirurgie pédiatrique. Dans ses plus de 30 ans de carrière, il a effectué 6 interventions complexes, pour la première fois au monde, et 22 en première au niveau national. En 2010, il expliquait : « Je le fais parce que je souhaite réaliser des choses pour ceux qui ont besoin de nos services et j'ai toujours aimé travailler au-delà des limites du possible. »
- Depuis plusieurs mois, une enquête criminelle a été ouverte contre Gheorghe Burnei. Il s'agit cette fois-ci d'accusations graves : de tentative de meurtre. Les procureurs visent l'ensemble de son activité professionnelle. Ils ont réuni près de 30 cas d'enfants qui sont devenus handicapés après avoir subi, selon les enquêteurs, des interventions pratiquées par le chirurgien, qui pourraient être qualifiées d'« expérimentations sur des humains ». Toutes ces interventions échouées ont été pratiquées ces deux dernières années.
- Les services de contrôle du ministère de la Santé mènent une enquête à l'Hôpital « Marie Curie », après la mise en accusation du docteur Gheorghe Burnei pour acceptation de pot-de-vin, suspecté d'avoir mené des expérimentations sur des enfants au moyen de dispositifs médicaux confectionnés de façon artisanale, des os de bœuf bouillis et des filtres de char, alors que l'hôpital mettait à disposition des prothèses homologuées. Le Collège des Médecins de Bucarest s'est saisi de l'affaire de Gheorghe Burnei, mais va ouvrir l'enquête sur les éventuelles violations du code de déontologie médicale après l'achèvement de l'enquête criminelle.
- La semaine dernière, l'Hôpital « Marie Curie » a été investi par des policiers et des procureurs qui ont fait des fouilles dans les bureaux de la section d'Orthopédie. Le docteur Gheorghe Burnei, arrêté à domicile, a été emmené à l'hôpital pour assister aux perquisitions.
- À la suite des fouilles, les enquêteurs ont pris plusieurs documents et des bureaux ont été mis sous scellés.
- Le docteur Gheorghe Burnei a été retenu par les procureurs du Parquet du Tribunal de Bucarest, qui ont demandé sa mise en détention préventive pour 15 faits d'extorsion de pots-de-vin. Le tribunal de Bucarest a rejeté la mise en détention préventive de B et a ordonné son assignation à résidence, décision qui a été attaquée à la Cour d'Appel de Bucarest.
- Les procureurs du Parquet auprès du Tribunal de Bucarest ont fait État, dans le rapport contenant la proposition de détention préventive, que dans l'intervalle du 26 octobre au 24 novembre, le docteur Gheorghe Burnei a demandé et accepté 15 fois des pots-de-vin de la part des parents de plusieurs enfants hospitalisés à l'Hôpital « Marie Curie », enfants qu'il a opérés ou juste examinés. Les pots-de-vin que Gheorghe Burnei aurait acceptés allaient de 50 lei à 1 350 euros.
- Les enquêteurs affirment que Gheorghe Burnei obligeait les parents des enfants opérés par lui d'acheter des prothèses de la société Argonmed, qui en échange prenait en charge ses vacances à l'étranger, accompagné de sa famille, ainsi que ses voyages pour participer à des congrès. Burnei utilisait tant des prothèses homologuées, que des dispositifs médicaux à titre d'expérimentation sur les enfants, dispositifs qui étaient confectionnés de manière artisanale par différentes personnes connues du médecin, travaillant à l'Institut National de la Recherche-Développement pour la Mécatronique et les Techniques de Mesure, affirment les procureurs.
- « Dans la catégorie des expérimentations sur enfants se retrouvent aussi les interventions chirurgicales effectuées avec des os de bœuf bouillis ou des filtres de char ou du BVC », ont également écrit les procureurs dans le rapport contenant la proposition d'arrestation du docteur Gheorghe Burnei.
- Burnei cachait aux parents des enfants le fait que l'Hôpital « Marie Curie » fournit gratuitement des dispositifs médicaux pour les enfants à opérer, afin de pouvoir leur demander de l'argent pour les prothèses recommandées par lui, affirment également les enquêteurs.
- Selon les procureurs, Gheorghe Burnei prélevait des enfants qu'il opérait des tissus osseux et des ligaments, sans toutefois demander l'accord des parents, tissus et ligaments qu'il conservait dans le congélateur d'un réfrigérateur de l'hôpital, à côté des aliments et des boissons alcoolisées. Les tissus, bien que conservés dans des conditions inappropriées et sans avoir été vérifiés du point de vue bactériologique et viral, ont été greffés sur d'autres enfants - ceux découverts lors des perquisitions étaient destinés à l'usage lors de nouvelles interventions chirurgicales.
- Selon les informations présentes à ce jour dans l'affaire, le chirurgien orthopédiste Gheorghe Burnei aurait pratiqué des expériences sur plus de 20 enfants, affirment des sources judiciaires.
- Les procureurs affirment qu'il existe le doute raisonnable que le nombre de faits dont Burnei pourrait être accusé augmente, car les accusations contre lui concernent les faits commis dans seulement une partie de la période faisant l'objet des recherches.
- Selon les procureurs, il y aurait des indices selon lesquels Gheorghe Burnei aurait commis des délits contre la vie et l'intégrité corporelle ou la santé de victimes, enfants mineurs qui se trouvaient déjà dans un état de santé précaire, « état que l'inculpé, à travers ses agissements intentionnels, a aggravé ».
- « Nous avons recueilli de nombreuses déclarations des parents des enfants ayant subi des interventions chirurgicales effectuées par Burnei Gheorghe, des enfants dont l'état de santé s'est considérablement dégradé à la suite des interventions de l'inculpé. Le résultat a été des cas où des enfants qui, avant d'avoir rencontré Burnei Gheorghe, avaient une activité physique caractéristique de leur âge, ont connu une évolution défavorable, arrivant jusqu'à n'avoir qu'une mobilité sporadique, difficile et même jusqu'à la paralysie. Les faits commis par l'inculpé Burnei Gheorghe contre l'intérêt des enfants confiés à ses soins par les parents sont d'autant plus graves que sa position professionnelle est élevée », ont indiqué les procureurs.
- La mère d'une petite fille souffrant de la scoliose, qui est décédée durant l'intervention chirurgicale à la colonne, soutient que le médecin Gheorghe Burnei aurait déclaré que sa fille « allait mourir de toutes les façons », qu'elle était encore jeune et qu'elle pourrait avoir un autre enfant. Burnei avait déjà prévenu la presse qu'il allait pratiquer une intervention en première, mais l'implant qu'il a utilisé n'était pas recommandé dans le cas de la maladie associée dont la petite fille souffrait, l'amyotrophie spinale - le médecin a mis une vis dans la moelle épinière, ce qui a apparemment détruit les nerfs spinaux et a provoqué la paralysie. Cependant, la cause du décès a été l'embolie pulmonaire, qui s'est produite à cause des particules de graisse qui se sont détachées de la zone opérée et sont arrivées dans le sang et, par la suite, aux poumons, affirme « Casa Jurnalistului » (« La Maison du Journaliste »), qui précise qu'une enquête criminelle est déjà en cours dans cette affaire.
- Le rapport médico-légal fait état d'une opération risquée et inutile, le rapport risque/bénéfice ayant « une valeur considérablement défavorable à la patiente ». Un médecin de l'hôpital Marie Curie, bien au courant de ce cas, a affirmé sans ambages : « Andreea est un enfant qui a été tué par négligence ».
- Un médecin légiste de l'IML a été encore plus radical : « L'intervention chirurgicale est, de tous les points de vue, extrême, agressive, très risquée. Le bénéfice pour le patient a été, d'entrée de jeu, nul ». Le médecin légiste ajoute que l'opération n'a pas été « tout à fait inutile », mais également erronée. Burnei a mis une vis dans la moelle épinière, ce qui a apparemment détruit les nerfs spinaux et a provoqué la paralysie.
- Après la mort de la petite fille, Burnei a utilisé l'implant Shilla dans deux autres cas. Des sources médicales affirment que, dans le cas d'un troisième patient, des vis ont été découvertes partout dans son corps, écrit Casa Jurnalistului.
- Un autre cas, repris par Digi 24, est celui d'un enfant de 11 ans, dont les parents affirment qu'il a été sur le point de se retrouver sans une jambe, après que le docteur Gheorghe Burnei lui ait posé un dispositif improvisé fait en ciment et en fil de fer.
Ziarul National : « à qui profite de détruire le docteur Burnei? »
- Il y a cependant aussi des voix qui soutiennent qu'il y aurait un intérêt à détruire la carrière du docteur Burnei. Ziarul National écrit: « Nous sommes obligés d'appeler les choses par leur nom : la rédaction de notre journal reçoit tous les jours des dizaines de messages en faveur de Burnei, avec des exemples incontestables. Une famille de Prahova nous a raconté le cas de leur fille. Elle était née avec un grave problème des jambes, et elle était condamnée à passer le restant de sa vie dans un fauteuil roulant. Après une opération pratiquée par un médecin renommé, de l'Hôpital Grigore Alexandrescu. Il avait pratiquement charcuté les jambes de la petite fille. Selon les dires, ils sont arrivés chez le docteur Burnei, qui a pris la fille en charge - elle a à présent 17 ans et va à l'école sur ses propres jambes. Comment appelez-vous cela ? Des histoires ? Vous souvenez-vous des cas des patients avec des os en verre ? à l'époque, il était nommé le héros de la Roumanie, la «méthode Burnei» étant le numéro 1 au monde dans le traitement de cette impitoyable affection. Que s'est-il passé depuis ? Le médecin aurait-il oublié son métier ? Serait-il devenu un boucher, du jour au lendemain ? »
- Selon le Journal National, la médecine esthétique utilise des fragments d'os prélevés sur les morts et les bœufs, qui sont ensuite placés à de différents endroits - les oreilles, le nez etc., là où le patient a besoin.
UN MÉDECIN QUI A TRAVAILLÉ AVEC LE DOCTEUR BURNEI :
- «L'image de monstre sans remords existe»
- L'orthopédiste Roman Marchitan, qui travaille actuellement dans un hôpital en France, a été résident dans la section d'orthopédie pédiatrique de l'hôpital Marie Curie, sous la coordination de Burnei. C'est le premier médecin qui a accepté de parler publiquement de l'expérience professionnelle avec Gheorghe Brunei.
- Roman Marchitan parle de son expérience avec le docteur Gheorghe Burnei et affirme que « son image de monstre sans remords existe en chair et os », les autres médecins étant au courant les expérimentations qu'il faisait sur les patients.
- « Burnei avait réinventé une sorte de médecine parallèle, contraire à toute logique courante, foulant les victimes aux pieds sans le moindre état d'âme. Si vous pouviez connaître le personnage comme nous l'avons connu, vous comprendriez que l'image de monstre sans remords n'est pas que le produit de l'impression d'un nombre de victimes subjectives, mais qu'il existe en chair et os et rien de ce que vous entendez dire à propos de lui n'est exagéré », écrit Marchitan.
- Le médecin décrit Burnei comme étant « obsédé » par son idée de se faire remarquer, de découvrir des interventions qui porteraient sont nom et lui amèneraient la célébrité.
- « Burnei avait l'obsession d'inventer quelque chose. N'importe quoi. Sa tragédie personnelle, c'était qu'il était né trop tard et que tout avait déjà été inventé. Aucune intervention n'allait porter son nom et personne n'allait faire débuter les phrases des présentations de cas, en Oklahoma, en disant „according to Burnei, we should...". Il ne demandait son avis à personne, l'important, c'était „le flair", l'inspiration, il était compétent dans n'importe quel domaine. God » continue le médecin.
- Par ailleurs, Marchitan accuse Burnei, dans la lettre publiée par casajurnalistului.ro, d'intervenir dans des cas pour lesquels il n'avait pas la formation nécessaire pour dispenser le traitement, rappelant les patients qui ont eu une fin tragique.
- « Les patients ne déposaient pas de plainte parce qu'ils étaient programmés pour le considérer comme étant l'autorité suprême et on leur faisait croire qu'il ne s'agissait que d'échecs à titre d'exception. Je me demande si quelqu'un aura un jour l'occasion d'évaluer de manière objective l'ampleur du désastre. De consulter tous les registres d'opérations, de contacter les patients, de réévaluer les cas et en reparler avec des médecins compétents », ajoute Marchitan.
- « Le problème, c'est que l'incapacité à assumer ses propres échecs et à reconnaître ses limites peut transformer même un cas banal en une tragédie », est d'avis le médecin. « Aussi obnubilé qu'on soit de son propre génie, il y a des limites humaines et déontologiques qui devraient rester debout, sinon, on devient une caricature moderne de Victor Frankenstein. Nous apprenons tous à dire aux patients : je suis désolé, il n'y a aucune autre solution, cela ne relève pas de ma compétence, mais je vous recommande de consulter Untel », dit Marchitan.
- « Lorsque les parents d'un petit garçon vous supplient d'utiliser la baguette magique pour sauver sa jambe, car ils ont vu à la télé que vous êtes le seul capable de réaliser des interventions en première mondiale, il serait le moment de redevenir, pour un bref moment, un médecin. C'est de votre compétence et responsabilité de leur expliquer que l'ostéosarcome est un type de cancer extrêmement agressif et que les principes en place depuis déjà la fin du 19ème siècle restent valables, pour l'essentiel, jusqu'à présent. Le boulot d'un médecin, c'est de convaincre les parents que l'amputation, aussi mutilatrice qu'elle soit, est la seule qui donne des chances de vie à l'enfant.
- M. Burnei n'a pas hésité, car les principes médicaux peuvent être appliqués conformément aux normes actuelles par tous les autres professionnels, justement parce qu'à eux, il leur manque le génie.
- Des idiots. Lui, Le Professeur, a excisé la tumeur du calcanéum (à ce moment, n'importe quel orthopédiste s'arrache les cheveux et prend une inspiration profonde) et l'enfant est mort peu après, d'une extension métastasique. Que faisons-nous pendant ce temps ? Nous évitons la mère de l'enfant et nous évitons de parler du cas entre nous », écrit le médecin, qui soutient que les pratiques du professeur Burnei étaient connues, mais que personne n'osait en parler.
Source : BUCAREST HEBDO du 19 AU 25 Décembre 2016 n°46
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